Besaigüe

"Et si on baisait?", semble dire Bettie Page.
“Et si on bai­sait?”, semble dire Bet­tie Page.

Il y a des mots qui excitent sans le vou­loir, des mots aux­quels on prête un sens qu’ils n’ont pas. C’est d’eux dont parle la rubrique «Les mots érogènes».

Dans la vie, il y a des moments graves. La red­di­tion du camp retran­ché de Diên Biên Phu, une der­nière gor­gée d’alcool, des bal­lons qui s’envolent, une fin. Des moments où montent les larmes aux yeux, cha­cun s’en débrouille comme il peut. Sauf qu’alors que tout le monde boit la cigüe de la tris­tesse et du déses­poir, on peut être pris d’une pul­sion sou­daine et impromptue.

La besaigüe, ce serait cette envie sur­gis­sant lorsqu’on ne l’attend pas, de manière ma foi inap­pro­priée. On se sent som­brer, et puis une croupe, des seins, un geste de la main, un mou­ve­ment de tête, des lèvres qui forment une plainte et qu’on a envie de lécher, là, sou­dain, ce désir, on bande, on mouille. On est éton­né, ce n’est ni le lieu ni l’heure, c’est indé­cent. Mais le sexe ne s’embarrasse pas de sen­ti­ments. Il bat son rap­pel comme coule une rivière, comme tremble la terre, comme jamais ne se couche le soleil – le savez-vous?, jamais il ne se couche – comme ce souffle unique ini­tié au pre­mier jour et ne s’interrompant qu’au der­nier. On pleure, on a mal, on se couvre la tête de cendre, mais on bai­se­rait bien.

Il fau­drait un mot pour ça mais il n’y en a pas. La besaigüe, dans le dic­tion­naire offi­ciel, c’est une «sorte de hache d’armes dont le côté oppo­sé au tran­chant était [au Moyen Âge] un mor­ceau de fer poin­tu». Comme le désir de toi coupe court à toute lamentation.

- Tu bandes, chéri?
- Tu bandes, chéri?
- Vois-tu cette tristesse dans la plaine? - Non, je ne vois que des culs!
- Vois-tu cette tris­tesse dans la plaine?
- Non, je ne vois que des culs!
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