Monstrueuse morale

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Hier, je vous par­lais de deux livres ache­tés à la librai­rie Humus et vous livrais mon compte ren­du du déce­vant Esthé­tique de l’éjaculation. Aujourd’hui, pas de décep­tion avec Ona­nisme avec troubles ner­veux chez deux petites filles (Edi­tions Solin), mais de l’effroi. Les âmes sen­sibles évi­te­ront de lire ce billet, tant le conte­nu de ce livre est monstrueux.
Il s’agit du compte ren­du du trai­te­ment infli­gé à deux petites filles par le doc­teur Démé­trius Zam­ba­co, né à Constan­ti­nople en 1832 et mort (trop tard) en 1913 au Caire. Deve­nu doc­teur en méde­cine à Paris, en 1857, il a été chef de cli­nique à la Facul­té de méde­cine de Paris, membre des Aca­dé­mies de Saint-Péters­bourg et Vienne, pré­sident de la socié­té de méde­cine de Constan­ti­nople, etc. Un ponte, comme on dit. Une vraie cra­pule, en fait.

Le Docteur Démétrius Zambaco, peint en 1858 par George Frederic Watts. © Trustees of the Watts Gallery, Compton, Surrey, UK / The Bridgeman Art Library
Le Doc­teur Démé­trius Zam­ba­co, peint en 1858 par George Fre­de­ric Watts.
© Trus­tees of the Watts Gal­le­ry, Comp­ton, Sur­rey, UK / The Brid­ge­man Art Library

Récit scien­ti­fique
En 1882, la revue L’Encéphale («le jour­nal des mala­dies men­tales et ner­veuses») publiait le récit, écrit par Zam­ba­co, du trai­te­ment qu’il venait d’infliger à deux petites filles qui avaient eu le mal­heur de tom­ber entre ses mains, confiées par leurs parent afin d’être gué­rie de leur onanisme.
La pre­mière, X…, a 10 ans, et le doc­teur en parle comme d’une vicieuse impé­ni­tente, ne pen­sant qu’à se mas­tur­ber. Elle est fouet­tée, atta­chée, mais rien n’y fait. «Le fouet l’a ren­dit comme hébé­tée, plus fausse, plus per­verse, plus méchante», constate Zam­ba­co, se rap­pe­lant que la petite fille hur­lait en san­glo­tant: «Pour­quoi me pri­ver d’un plai­sir aus­si inno­cent ? C’est sale, je le sais, mais cela ne regarde que moi, lais­sez-moi ma jouis­sance!» La pauvre subi­ra la cami­sole de force, sera encore fouet­tée, mais rien n’y fait. Jusqu’au jour où le brave Zam­ba­co ren­contre son confrère le doc­teur Jules Gué­rin, une autre belle cra­pule, qui lui affirme «avoir gué­ri des jeunes filles affec­tées du vice de l’onanisme (…) en brû­lant le cli­to­ris au fer rouge».

Tor­tures
C’est la petite sœur d’X…, Y…, quatre ans, qui subi­ra la pre­mière le sup­plice du fer rouge. Sur le cli­to­ris, sur les grandes lèvres, et «pour la punir de sa déso­béis­sance, je lui cau­té­rise les fesses et les lombes avec un grand fer». Dès qu’on la soup­çonne de s’adonner à son «vice», on fouette Y…, «sur les fesses déjà en plaie», relate Zam­ba­co sans s’émouvoir, «j’essaie de lui don­ner quelques décharges élec­triques vio­lentes et très dou­lou­reuses sur les par­ties avec l’appareil de Clarke».
X… aura elle aus­si le cli­to­ris brû­lé. «Je cau­té­rise le cli­to­ris et l’entrée du vagin. A par­tir de ce jour, les petites malades ne sont plus sou­mises à mon obser­va­tion. Elles ont été sépa­rées. D’après mes infor­ma­tions, la petite Y… est radi­ca­le­ment gué­rie; quand à X…, elle conti­nue à abu­ser comme par le pas­sé, elle est loin, à la cam­pagne, sans aucune sur­veillance médi­cale, et pri­vée de tout traitement.»

Et aujourd’hui?
Au-delà de l’effroi que pro­voque ce récit, il nous rap­pelle que la sexua­li­té des femmes a sou­vent été vio­lem­ment répri­mée, tant par la science que par les reli­gions, au nom de dif­fé­rentes formes de morales. Qu’elle l’est encore.
Ce livre est un appel à la vigi­lance, car le doc­teur Zam­ba­co est tou­jours par­mi nous, il se cache au coin d’un prêche, d’un dis­cours, d’une thé­ra­pie, à l’ombre d’une église, à l’orée  d’un «redres­se­ment moral», son fer rouge à la main, prêt à sévir. Il faut l’éradiquer.

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