La couverture est un peu cul-cul et le nom de l’auteure prête à confusion. Sasha Grey. Ça fait penser aux 50 nuances, au SM convenable, à la profusion de romans érotiques nuls encombrant les rayons des librairies et l’internet. Plein d’a priori, je serai passé à côté du livre sans m’arrêter si Michel, de la librairie Humus, ne me l’avait conseillé: «je l’ai lu pendant les vacances, c’est bien». Parmi les quelques personnes indispensables à tout honnête homme (femme aussi), il y a un bon libraire et un bon marchand de vin.
Les plaisirs de la lecture
J’ai donc acheté Juliette Society. A la page 10, j’ai su que j’avais bien fait: «Ces gens-là, les patrons – on ne va pas y aller par trente-six chemins –, sont des niqueurs professionnels. Ils vous niquent pour avoir le dessus sur vous. Ils vous enculent pour arriver au sommet. Ils vous niquent votre fric, votre liberté et votre temps. Et ils continuent de vous enculer jusqu’à ce que vous rendiez votre dernier souffle. Et encore un peu après.»
Juliette Society relate l’histoire de Catherine (en référence à la Catherine Deneuve de Belle de jour), qui tout en étudiant le cinéma est guidée par sa sexualité dans la création de situations. Elle vit en couple avec un type travaillant pour un politicien, désire sexuellement un de ses profs, se lie avec une autre étudiante qui tourne dans des films pornos et l’emmène dans quelques lieux de débauche. Le récit est construit comme savent le faire les Américains (sauf que je n’ai pas compris la fin), c’est agréablement écrit (mais peut-être pas excellemment traduit), les scènes de sexe sont bandantes (j’ai bandé).
Humour
En plus, c’est farci de références cinématographiques et littéraires intelligemment mises en perspective. Et c’est drôle: «Je pense que ce que je veux dire, c’est qu’à propos du porno en ligne, je suis plutôt mitigée. Je n’en consomme pas, mais je vois sans conteste qu’il peut faire progresser durablement la paix dans le monde», ou: «Tout paraît plus gros à l’écran. Tout, mais alors vraiment tout. Que ce soit Tom Cruise. Ou une bite de sept centimètres.»
Qui est Sasha Grey?
Du coup, je me suis intéressé de plus près à l’auteure, à Sasha Grey. «C’est une ancienne actrice porno, une intello», m’avait expliqué Michel. Sexe et intelligence, quoi de plus attirant chez une femme?
Après quelques recherches sur l’Internet, j’en sais un peu plus. Elle est née en 1988 en Californie, est devenue actrice porno à 18 ans, a arrêté en 2011. Elle est capable de recevoir dans l’anus de belles pièces, et dans un extrait de film, on la voit habillement expulser par là des sortes de grosses balles de golf noires.
Plusieurs fois primée
Sasha Grey ne s’est pas contentée des trucs banals (fellation, double pénétration, gougnotage) et a tourné des scènes extrêmes et trash. Elle a reçu plein de prix (Meilleure scène de triolisme en 2006, Meilleure scène de groupe en 2007, Meilleure scène de fellation en 2008 et 2010, Meilleure scène anale en 2010, etc.) Et lorsque dans son livre elle parle d’une fille enfermée dans une cage électrifiée épousant la forme de son corps, elle sait de quoi elle parle…
Poilue et engagée
Mais deux choses m’ont fait définitivement aimer Sasha Grey. La première est qu’elle revendique la toison pubienne, se faisant notamment critiquer en 2010 pour être apparue à l’écran avec une belle touffe alors qu’elle jouait son propre rôle dans la série HBO Entourage. Respect.
La seconde concerne un autre scandale, celui qu’elle a provoqué en 2011 en faisant la lecture à des élèves d’un cours préparatoire. Elle n’était déjà plus star du X mais sa réputation scandaleuse a offusqué certains parents. «L’illettrisme contribue à la pauvreté, il est fondamental d’encourager les enfants à ouvrir un livre. Je me suis engagée dans ce programme en sachant que chacun aurait sa propre opinion sur ce que j’ai fait, qui je suis et ce que je représente. Je suis une actrice. Je suis une artiste. Je suis la fille de quelqu’un. Je suis une sœur. Je suis une compagne. J’ai un passé qui ne plaît pas à tout le monde mais il ne peut me définir. Je ne vivrai pas dans la crainte de cela», a‑t-elle déclaré à ce propos.
Pour terminer, je dois encore préciser qu’une des grandes qualités du Juliette Society de Sasha Grey est de ne pas trop se prendre au sérieux, de ne pas être inutilement métaphysique. Et en matière de sexe, ça repose. Enjoy!
Juliette Society, Sasha Grey, Le livre de poche, 354 pages.
Quelques liens
Interview de Sasha Grey à propos de Juliette Society
Une autre interview
La page Wikipédia de l’actrice
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