Il y a les modes. Un engouement provisoire, mis en scène dans les médias, se répandant sur les réseaux prétendument sociaux. Films, livres, auteurs, politiciens, acteurs, musiques, musiciens, vêtements, coiffures, restaurants, idéologies, comportements, présidents de la république… Ça fait beaucoup de bruit, ça s’agite, ça s’auto-congratule, ça fascine les foules ébaudies, les petits-bourgeois ébahis, ça pschiit, ça mousse, et puis c’est remplacé par un autre film, un autre auteur, un autre politicien, un autre comportement, une autre absence.
Un obsédé
Et il y a les passions, qui sont tout l’inverse. Qui te prennent aux tripes, te bouleversent la tête, la pensée, te font sans cesse remettre en question tes certitudes. Christophe Bier est un homme passionné – un auteur aussi, un acteur, un réalisateur, un éditeur, mais surtout un passionné. Un obsédé.
Je vous en ai déjà parlé quelques fois ici (et même une fois dans feu L’Hebdo). J’ai plusieurs de ses livres dans ma bibliothèque, dont l’indispensable Dictionnaire des films français pornographiques & érotiques.
Chroniques jubilatoires
Homme aux talents multiples, Christophe Bier semble infatigable. Une sorte d’étalon de la production intellectuelle, d’Hercule des mauvais genres. Mauvais genres comme l’émission de France Culture où il est chroniqueur. Et ce sont cent trente-deux de ses chroniques (du 6 septembre 2003 au 11 juin 2016) qui sont aujourd’hui publiées au Editions le dilettante. «Ma position, écrit Christophe Bier dans la préface, n’est pas celle d’un analyste omniscient mais d’un témoin fasciné qui contemple, incrédule et transi, les multiples icônes de son imaginaire: la pornographie, le cinéma bis, le roman populaire, les monstres, les talons vertigineux, le roman noir…»
Le style de Christophe Bier est impeccable, ses chroniques sont jubilatoires, elles se dégustent comme des perles d’urine dans une toison pubienne, comme des gouttes de sueur au creux d’une aisselle, comme un souffle, un râle, une claque sur les fesses, la morsure d’une pince sur le bout d’un sein, comme un regard que l’ivresse sexuelle trouble d’abord avant de l’éclairer de mille feux, comme un rire pendant le coït, comme un vertige.
Un peu d’effroi
Christophe Bier ne fait pas que parler des mauvais genres, il les édite. Avec Farrel, il aborde des rivages effrayants, propose d’aller plus loin, d’aller trop loin. «Depuis 1960, pendant près de cinquante ans, Joseph Farrel a dessiné des femmes en pleurs, humiliées, battues, déformées, perforées, élargies, séquestrées, subissant l’implacable folie sexuelle des hommes. Cet artiste marginal ne respecte rien, brise les tabous élémentaires, ignore l’autocensure. Son œuvre est la plus scandaleuse depuis celle de Sade. Noire, grinçante, choquante, désespérée. “Je ne vais pas au-delà de ce qui est impossible”, affirme-t-il dans une formule renversante», dit la quatrième de couverture.
Scandaleux, pornographique, peut-être anarchiste
Les dessins que contient le livre donnent le vertige, indignent, choquent, soulèvent le cœur. Ils montrent ce que l’on ne veut pas voir, ce que l’on ne veut jamais voir, ce que l’on ne veut pas savoir. Christophe Bier explique dans la préface du livre: «Plus encore aujourd’hui que dans les décennies précédentes, l’œuvre de Farrel pulvérise les conventions et dérange. La police morale sévit, encore plus redoutable. Pour certain puritains, l’atteinte à la dignité humaine, l’incitation à la haine et autres délits doivent s’étendre à l’imagination. A les écouter, il semble plus important de lutter contre la pornographie des images, véritables dangers, que de dénoncer les mécanismes sociaux et politiques qui asservissent toujours plus les êtres. Oui, depuis Félicien Rops, Joseph Farrel est le dessinateur le plus scandaleux qui soit. Pornographique, mais peut-être bien anarchiste, dénonçant, sous couvert de fantasme SM, la violence d’une société qui n’en finit jamais d’humilier et de broyer.»
Loin des modes, Christophe Bier cultive ses obsessions, nous cultive à travers elles. Il pulvérise le ça va de soi, dynamite la bienséance. Et l’on cesse de se mirer dans le miroir de la bonne conscience de soi, le moi se craquelle; va-t-on s’en extraire?
Les Lausannois ont de la chance, ils trouvent les livres de Christophe Bier chez Humus.
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