Je n’aime pas utiliser l’expression «faire l’amour». J’aime l’amour («j’ai mis mon cœur entre tes mains, avec le tien comme il va l’amble»), la complicité, l’acrobatique construction du couple, mais je ne crois pas que le sexe puisse n’avoir lieu que là. On peut coucher avec quelqu’un pour qui on a de l’amitié, simplement de la sympathie, qu’on connaît à peine, qu’on ne reverra plus. Rien qu’en croisant des femmes dans la rue, le désir me prend souvent, l’amour jamais (je n’aime pas particulièrement mon prochain, j’aime certains prochains particulièrement).
Dictionnaire
Je suis donc toujours avide de découvrir de nouvelles expressions pour nommer la «chose». J’ai ainsi lu avec beaucoup d’attention et de plaisir Les doigts de pied en bouquet de violettes, le dictionnaire coquin de l’amour et du sexe en 369 expressions, que Sylvie Brunet vient de publier aux Editions de l’Opportun. On y trouve une multitude de mots désignant le sexe de la femme, celui de l’homme, le sperme, les seins, les testicules ou encore l’anus. C’est chouette.
Quant aux 369 expressions exprimant la mécanique sexuelle des corps, voilà mes préférées (avec mes commentaires):
Aller au bonheur Travailler, c’est «aller au charbon». Au bonheur, c’est mieux. L’expression faisait partie du langage familier de la deuxième moitié du XIXe siècle.
Commencer un roman par la queue «Baiser d’abord la femme pour laquelle on bande et, après, lui faire la cour», traduit Alfred Delvau (1825–1867).
Aller au roudoudou Le roudoudou est une confiserie en sucre cuit et parfumé. Quand j’étais gamin, il était présenté dans un coquillage en plastique, j’adorais lécher ça. C’est sans doute l’origine de mon goût irrépressible pour le cunnilingus.
Jouer du cul Ancienne expression (XVIe siècle) qui nous rappelle que le sexe peut (devrait) être un jeu. Dans le même genre, il y a «jouer à cul sur pointe» et «jouer à la fossette».
Faire boum (Fin XIXe) C’est joyeux.
Faire fick-fick Je connaissais l’expression pour l’avoir lue dans la fantastique série de BD, Le Goulag, de Dimitri (les aventures d’Eugène Krampon, ouvrier parisien immigré en URSS et enfermé dans un camp), mais j’ignorais son origine. Maintenant, je sais: elle est née pendant la Seconde Guerre mondiale et s’appliquait alors aux soldats allemands (en argot allemand, ficken signifie foutre).
Fauberger le gin-gin Elle est de Théophile Gautier (1811–1872), et délicieusement absconse.
Faire beau bruit de culetis C’est de Rabelais (XVe), donc gourmand.
Se dégourdir la fourmi Il n’y a pas d’explication quant à son origine, mais j’aime bien la modestie qu’elle implique.
Mettre le Jésus dans sa crèche Si Dieu il y a, c’est une femme, j’en suis certain. Et s’il s’agissait de s’agenouiller devant une vulve gorgée de cyprine plutôt que devant une paire de couilles crucifiées, peut-être deviendrais-je croyant.
Se faire récurer le chaudron (XVe) C’est pas poétique, un peu vulgaire, ça fait du bien.
Voguer à Cythère (XVIIIe) «Le con, lieu charmant, appelé plus poétiquement l’île de Cythère, est située entre les cuisses de la femme. Il reçoit MM. Les vits et abrite volontiers, quels qu’ils soient, les produits de leurs vaisseaux spermatiques», explique Alfred Delvau (1825–1867).
Défriser le petit buisson (Fin XIXe). Ah, les jolis poils du con!
Dégorger le poireau Chaque fois que je l’utilise, je vois bien les regards désolés autour de moi.
Tremper son biscuit Voilà qui est délicat, non? Et gourmand.
Aller au cul «On a pas trouvé d’attestation de cette expression avant le XXe siècle, explique Sylvie Brunet, mais la locution de forme proche d’aller au cul est donnée par Delvau au XIXe siècle avec le sens de ‟se trémousser dans la jouissance vénérienneˮ.»
Poinçonner son ticket d’arc-en-ciel C’est du San Antonio et ça dit poétiquement «jouir».
Voilà. Je vous laisse découvrir les autres par vous-même. A la fin du dictionnaire, il y a une petite bibliographie, un index bien fait et une pratique table des expressions.
Maintenant, après la théorie, il est temps de pratiquer un peu. Je vous laisse, j’ai un poireau à dégorger.
Les doigts de pied en bouquet de violettes, Sylvie Brunet, Les Editions de l’Opportun, 383 pages.
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