Mon premier Lui, je l’ai acheté en 1971 (et me voilà définitivement grillé auprès des filles nées après les années soixante). J’avais 13 ans, et il fallait absolument que je voie des femmes nues. Absolument! A l’époque, il n’y avait pas l’ombre d’un téton à la télé et l’internet n’existait pas.
Fumer et bander
Malgré mes craintes, la dame du kiosque m’avait vendu le magazine sans sourciller, un paquet de gauloises bleues sans filtre en sus. Fumer et bander, j’ai beaucoup aimé ça dans mon adolescence.
Des femmes dénudées de ce premier Lui, je ne me souviens que d’une blonde, fesses cambrées mais cuisses serrées. J’ai regardé ses seins à en user le papier glacé, y compris à la loupe, et il me semble que sur la grande photo de la double page centrale, on voyait un peu les poils de son pubis. Mais j’ai oublié son prénom.
Beigbeder
J’ai donc trouvé sympathique la résurrection de Lui sous la houlette de Frédéric Beigbeder. (Il y a 10 ans, j’ai passé une soirée et une nuit plutôt amusantes en sa compagnie. Mais il n’y a pas encore prescription, je vous raconterai ça quand les femmes nées dans les années soixante auront perdu toutes leurs dents.)
J’ai bien aimé son édito désabusé. C’est déprimant comme un repas de famille après une nuit passée à trop boire, trop sniffer et trop vomir dans le décolleté de la fille qu’on désirait. J’ai trouvé que son interview de Daniel Filipacchi avait du style à défaut de fond. Le sujet de Nicolas Rey sur Najat Vallaud-Belkacem est presque bien («Najat, sa coupe à la garçonne, ses fesses menues, son corps sec et nerveux»). Je déteste la politicienne, mais je la trouve bandante. Peut-on désirer un ennemi politique? Pourrait-on choser avec? L’article ne m’a pas aidé à répondre à ces questions.
Pour le reste, pubs, articles et rubriques ciblent les mâles quadras et quinquas des classes moyennes et supérieures («Le maître d’hôtel nous interrompt pour la commande. Daniel prend des grenouilles puis des rognons grillés. Christelle et Lara mangeront des asperges blanches sauce mousseline, et moi, du foie gras, comme d’habitude. Il paraît que la France est en crise économique, mais cela ne se voit pas beaucoup, chez Allard», écrit, lucide, Frédéric Beigbeder dans son interview de Filipacchi.)
Esthétisme moyen de gamme
Et les femmes nues? Il y a l’actrice Léa Seydoux, Alyssa, Malgosia, Isabelli et une autre qui n’a pas de nom. Les photos sont principalement en noir et blanc, d’un esthétisme moyen de gamme.
De tout le contenu, ce que j’ai préféré, c’est le dessin de Voutch. Il m’a fait beaucoup rire, ce d’autant qu’il met en scène ce que j’imagine être les lecteurs du nouveau Lui.
Le magazine est bien fait, agréablement mis en page, bien écrit, illustré proprement. Ce premier numéro est d’ailleurs un succès de vente. Après un tirage de 350 000 exemplaires, les éditeurs ont dû en réimprimer 100 000.
Mais il ne m’a pas fait bander. Au sens propre. Une résurrection sans érection; c’est triste comme la bière sans alcool, comme une femme sans poils et sans odeurs, comme la fin du désir, comme un samedi soir devant la télé et un dimanche de pluie.
Le nouveau Lui ne m’a rendu que nostalgique, et ça, à mon âge, c’est pas bon pour la libido.
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