BD-Cul, BDSM, BD bof

L’éjaculation peut être sentimentale

«J’ai un poil de carotte entre les dents»: c’est sur cette fausse épi­graphe de Jules Renard que s’ouvre L’éjaculation sen­ti­men­tale, de Was­sim, le der­nier opus de la col­lec­tion BD-Cul des Requins Mar­teaux.
Il s’agit de l’histoire de trois copains, Sasha, Théo et Louis, s’apprêtant à vivre une sym­pa­thique soi­rée, faite de drogues et de sexe. Mais tout com­mence mal, avec l’arrivée d’une patrouille de police qui embarque le trio et sniffe toute sa schnouff. Heu­reu­se­ment, une des poli­cières, body­buil­dée, a bien envie de bai­ser et se fait reluire par Sasha et Théo. Que fait Louis? Rien, car il est puceau et à honte de son sexe. Un peu plus tard, il ren­contre Mila, qui lui plaît bien et c’est réci­proque. Ce sera un peu com­pli­qué − il y aura notam­ment des bisous de bites et du les­bia­nisme − mais à la fin, Louis n’est plus puceau, on est content pour lui.
C’est plus expli­cite que L’éducation sen­ti­men­tale de Flaubert.

De A à Z, en passant par pinces à seins 

Ecri­vaine, cinéaste, jour­na­liste, fran­çaise, Gala Fur est une spé­cia­liste du BDSM (bon­dage et dis­ci­pline, domi­na­tion et sou­mis­sion, sado­ma­so­chisme). Une maî­tresse du genre, un genre de maî­tresse. Elle a publié un extra­or­di­naire dic­tion­naire, celui du BDSM donc, à La Musar­dine. Près de 250 entrées explo­rant cet uni­vers qui tout à la fois fas­cine et révulse, qui fas­cine par­fois d’autant plus qu’il révulse. On y trouve des pra­tiques, bien sûr, mais aus­si des écri­vains, des pho­to­graphes, des maî­tresses… Et c’est riche­ment illus­tré d’images par­fois très exci­tantes. Voi­là quelques-unes des entrées du livre, je vous laisse en ima­gi­ner les défi­ni­tions: acro­to­mo­phi­lie, barre d’écartement, cage de chas­te­té, dila­ta­tion, édu­ca­tion anglaise, fem­dom, gode-cein­ture, har­nais, inter­dit, jeux, kink, lave­ment, mar­ti­net, nazisme, orties, pinces et aspire-tétons, règles, sling, transe, uro­la­gnie, verges, wra­ping, zen­tai. Le dic­tion­naire est com­plé­té par un index des noms, des films et une bibliographie.
Il n’y a pas besoin d’être spé­cia­le­ment BDSM pour, en le com­pul­sant, ren­con­trer dans ce dic­tion­naire quelques fan­tasmes trou­blants et quelques pra­tiques déjà osées.

Esparbec amputé

J’aime bien Espar­bec, un écri­vain qui reven­dique ouver­te­ment faire de la por­no­gra­phie, à l’inverse de tous les chi­chi­teux qui se réclament de l’érotisme. Et d’Esparbec, j’aime beau­coup La phar­ma­cienne, un roman joyeu­se­ment por­no­gra­phique. Je me suis donc réjoui à l’annonce de son adap­ta­tion en BD, chez Dyna­mite. Quelle décep­tion! Je ne suis pas ama­teur des des­sins d’Igor & Boc­cère mais j’ai été bien content, au début, de retrou­ver les per­son­nages de La phar­ma­cienne: Lau­ra (c’est elle), Beau P’ (son second mari), Bébé (sa fille), Ernest (le cou­sin de Beau P’). Sauf qu’il en manque deux, et pas des moindres: Jérôme, le cou­sin de Bébé, et Ber­trand, son frère. Le roman d’Esparbec com­mence ain­si avec une fel­la­tion que fait Bébé à son cou­sin, et dès le cha­pitre trois, la même Bébé se fait déli­cieu­se­ment sodo­mi­ser par son frère. Rien de tout ça dans la BD, où, si l’on chose beau­coup et par tous les trous, les rap­ports inces­tueux ont été gom­més. Comme l’homosexualité, puisque chez Espar­bec le frère se fait mettre par Ernest, une scène absente de la BD. Pri­vée de ces deux élé­ments (inceste et homo­sexua­li­té), l’adaptation de La phar­ma­cienne en devient très beauf, comme une blague cochonne dans un ves­tiaire de foot­ball. Pri­vé de ces outrances, le récit s’affadit, se bana­lise. C’est comme une bière sans alcool, un plat pré-cui­si­né, une vulve épilée.

Vous l’aurez com­pris, ne lisez pas la BD, mais réga­lez-vous avec le roman. Que vous pou­vez com­man­der à la librai­rie HumuS, comme les autres ouvrages mentionnés.

La Pharmacienne
La Phar­ma­cienne, par Espar­bec, Ed. La Musardine.

 

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