Dans l’enfer du désert — Partie 2

Un wes­tern plu­tôt glauque, en deux par­ties, de Jef­fer­son Mum­ford (Lire la par­tie 1)

La jeune femme, ses ablu­tions ter­mi­nées, avait rejoint la rive pour se sécher et se rhabiller.

Sous la caresse brû­lante de l’astre solaire, son corps sculp­tu­ral, per­lé de gouttes d’eau, brillait de mille feux. Elle n’en était que plus dési­rable encore…

Dun­can Scott, au comble de l’ex­ci­ta­tion, émer­gea de sa cachette et se rua sur elle avant qu’elle n’ait le temps de réagir.

Dans sa fougue, l’hi­deux bala­fré la fit bas­cu­ler et les deux rou­lèrent sur l’herbe de la berge, enla­cés. La mal­heu­reuse ten­ta bien de se défendre, de se sous­traire à l’é­treinte du mala­bar, mais Scott était trop fort pour elle. D’une main, il la main­tint au sol, lui ser­rant la gorge juste assez pour la dis­sua­der de gigo­ter, sans pour autant l’é­touf­fer, tan­dis que de l’autre, il com­men­ça à la pal­per avi­de­ment. Avec des gestes brusques, il se mit à malaxer la poi­trine ferme de la demoi­selle, titillant du bout de ses doigts rugueux les tétons rosés. Puis, le cow­boy lais­sa glis­ser sa main du ventre plat jus­qu’à l’entrejambe.

La jeune femme vou­lut crier, mais tant le regard assas­sin que lui lan­ça son agres­seur, que la pres­sion que celui-ci exer­ça sur son larynx l’en dis­sua­dèrent finalement.

La riche toi­son pubienne était douce au tou­cher et Dun­can Scott ne se pri­va pas d’y four­ra­ger. Il ne ces­sa d’ailleurs d’y faire jouer ses doigts que pour se débou­ton­ner, pour sor­tir sa queue rai­die de son cale­çon sale.

***

En ache­vant de se consu­mer, la ciga­rette grilla la lèvre de Dun­can Scott, le rame­nant à la réalité.

— Nom de Dieu ! toni­trua le bala­fré en cra­chant le mégot.

Un retour au pré­sent pour le moins dou­lou­reux. Et pas seule­ment à cause de la brû­lure à la bouche…

La nuit venait de tom­ber et en même temps qu’elle, la tem­pé­ra­ture, qui avait chu­té presque sans tran­si­tion de plus de trente-trois à seule­ment douze degrés. Le mala­bar, sai­si par le froid du désert, érein­té par sa dif­fi­cile autant qu’in­cer­taine pro­gres­sion, se mit à gre­lot­ter mal­gré lui. À bout de forces, le cow­boy rêvait de trou­ver un endroit où s’a­bri­ter. Une grotte quel­conque, même une étroite anfrac­tuo­si­té à l’in­té­rieur de laquelle se glis­ser, pour autant que celle-ci lui per­mette de se pro­té­ger un tant soit peu de la mor­sure des ténèbres. Hélas, le bala­fré avait beau scru­ter les alen­tours, il ne dis­cer­nait rien. Même pas de quoi allu­mer un feu pour se réchauf­fer… Aus­si loin que l’œil pou­vait por­ter, la végé­ta­tion s’a­vé­rait tou­jours pareille­ment inexis­tante, le pay­sage tant aride et désolé.

En outre, était-ce dû au froid, à l’é­pui­se­ment ou au fait de se retrou­ver ain­si seul au milieu de nulle part en pleine nuit, Dun­can Scott com­men­çait à sen­tir une espèce de para­noïa dif­fuse l’en­va­hir. Évi­dem­ment, cette crainte qu’il sen­tait croître en lui ne se basait sur rien de tan­gible, il en était par­fai­te­ment conscient, puis­qu’il venait encore de consta­ter qu’il n’y avait pas âme qui vive à des kilo­mètres à la ronde. Néan­moins, l’é­rein­té cow­boy ne pou­vait s’empêcher de s’i­ma­gi­ner sui­vi, sur­veillé dans le moindre de ses gestes. Et cela com­men­çait sérieu­se­ment à le mettre mal à l’aise. Il faut dire que sa conscience était plus souillée que la culotte d’une fille de saloon au terme d’une longue nuit de travail.

Pour ten­ter de ne pas pen­ser à toutes les hor­reurs qu’il avait com­mises au cours de sa triste vie, Dun­can Scott déci­da de se rou­ler une énième ciga­rette. L’es­pace d’un ins­tant au moins, cela lui ser­vi­rait à s’oc­cu­per à la fois les mains et l’esprit.

Le mala­bar avait besoin d’un répit. Il gre­lot­tait de plus en plus et la sueur avait inon­dé tout son visage, comme s’il était la proie d’une fièvre inconnue.

Sou­dain, un bruit loin­tain fit sur­sau­ter le pati­bu­laire cow­boy. Un bruit dont il ne put devi­ner ni l’o­ri­gine ni la pro­ve­nance. S’a­gis­sait-il d’un simple ani­mal noc­turne, indif­fé­rent à la pré­sence humaine, qui par­tait en chasse comme chaque soir ? Ou au contraire, d’un type char­gé de mau­vaises inten­tions qui tirait pro­fit des ombres de la nuit pour s’ap­pro­cher en cati­mi­ni, dans la volon­té de l’at­ta­quer traî­treu­se­ment, de lui régler son compte ?

À cette pen­sée, le bala­fré en per­dit tous ses moyens. Il faillit d’ailleurs lais­ser glis­ser d’entre ses doigts son paquet de tabac. Et ce n’est que de jus­tesse si le conte­nu de celui-ci ne s’é­par­pilla pas sur le sol…

Scott lui-même ne com­pre­nait rien à ce qui était en train de lui arri­ver. Il était lit­té­ra­le­ment ter­ri­fié. En outre, était-ce dû à la soif qui le tour­men­tait depuis son réveil ou aux ciga­rettes qu’il avait fumées tout au long de sa marche for­cée, il ne par­ve­nait presque plus à déglutir.

Cette dif­fi­cul­té à ava­ler sa salive ne fit qu’aug­men­ter l’an­xié­té du mala­bar et il eut tout à coup l’im­pres­sion d’é­touf­fer, de se noyer, comme si une main invi­sible l’en­traî­nait au fond de l’o­céan… Le misé­rable type vou­lut alors hur­ler de détresse, mais sans succès.

Ter­ras­sé par l’ir­ré­pres­sible panique qui s’é­tait empa­rée de tout son être, Dun­can Scott se mit subi­te­ment à cou­rir dans le désert, droit devant lui, mais en jetant conti­nuel­le­ment des regards alen­tour. Dans ses yeux hal­lu­ci­nés pou­vait se lire toute la détresse du monde. Ce n’é­tait plus le sale type arro­gant et cynique qui jouait encore les bra­vaches moins de vingt-quatre heures aupa­ra­vant dans les saloons et bor­dels de Flag­staff, mais un petit enfant apeu­ré, récla­mant qu’on le pro­tège et le réconforte…

***

D’un violent coup de rein, Dun­can Scott s’en­fon­ça aus­si pro­fon­dé­ment qu’il put dans l’in­ti­mi­té de l’at­ter­rée demoiselle.

La mal­heu­reuse n’a­vait encore jamais eu de rap­port sexuel à ce jour. En subis­sant la féroce pous­sée de son agres­seur, elle sen­tit une dou­leur aus­si vive qu’une brû­lure la par­cou­rir et com­men­ça à hur­ler. De manière conco­mi­tante, un peu de sang se mit à cou­ler de son sexe mar­ty­ri­sé. C’é­tait chaud et désa­gréable, et pour ne rien arran­ger, cela cla­po­tait à chaque nou­vel aller-retour furieux effec­tué par la bite dur­cie, macu­lée d’hé­mo­glo­bine, du cow­boy. L’horreur !

Le sen­ti­ment d’ab­jec­tion que la jeune femme éprou­vait à cet ins­tant était tel, qu’elle vou­lut mou­rir. Cepen­dant, recou­vrant ines­pé­ré­ment ses forces, elle réagit au contraire. Et tout en braillant, elle se mit à agi­ter bras et jambes pour ten­ter de se débar­ras­ser de son assaillant. Hélas le résul­tat ne fut pas celui escomp­té… Scott était beau­coup trop fort et trop lourd pour qu’elle par­vienne à l’é­loi­gner d’elle de cette façon. En revanche avec ses cris de détresse et de rage mêlées, la pauvre vic­time eut tôt fait d’ir­ri­ter l’hi­deux bala­fré, qui se mit à lui frap­per le visage de sa main libre. Et plus la jeune femme hur­lait, plus le salaud la cognait. Ain­si, tout en conti­nuant de beso­gner sau­va­ge­ment la mal­heu­reuse, le cow­boy lui pocha d’a­bord un oeil, puis il lui fit écla­ter la lèvre supé­rieure. Aus­si­tôt, un flot de sang se mit à inon­der le visage contu­sion­né de la jeune femme, cou­lant un peu par­tout, péné­trant dans sa bouche, l’étouffant.

Étour­die par les coups reçus, dans l’im­pos­si­bi­li­té de crier encore, la vic­time se tut, vain­cue, espé­rant silen­cieu­se­ment que son cal­vaire prenne rapi­de­ment fin.

***

Cou­rant à l’a­veu­glette, en proie au délire, Dun­can Scott ne remar­qua pas l’obs­tacle qui venait de se dres­ser devant lui et s’encoubla.

Sa chute fut aus­si subite que bru­tale et sou­le­va un épais nuage de pous­sière qui l’en­ve­lop­pa entièrement…

Dans l’in­ca­pa­ci­té de res­pi­rer, des larmes plein les yeux, le pati­bu­laire cow­boy se contor­sion­na un ins­tant sur le sol. Il res­sem­blait à une grosse larve aveugle frap­pée d’a­go­nie. Son corps était secoué par de pro­fondes quintes de toux et comme il ne par­ve­nait plus rien à dis­cer­ner, il se mit à ram­per au hasard, jus­qu’à buter contre quelque chose de mou qui sen­tait fort.

De quoi pou­vait-il bien s’a­gir ? Et sur quoi avait-il trébuché ?

De la main Scott tâta avec pré­cau­tion l’es­pèce de forme comme un paquet éten­du devant lui… Et c’est alors, à sa grande stu­peur, qu’il se ren­dit compte, en même temps qu’il recou­vrait par­tiel­le­ment la vue, de quoi il s’a­gis­sait : d’un cadavre ! Plus pré­ci­sé­ment, ses pupilles irri­tées lui per­mirent mal­gré tout de s’en assu­rer, du corps sans vie de la jeune Indienne qu’il avait vio­lée et tuée quatre jours aupa­ra­vant sur une berge de Fos­sil Creek, alors qu’il était en che­min pour rejoindre Flagstaff…

Com­ment cela était-il possible ?

Au même ins­tant, la dépouille rou­vrit les yeux, des yeux éteints, inquié­tants, et sai­sit Dun­can Scott à la gorge.

Le bala­fré faillit en mou­rir de sur­prise et d’ef­froi mais c’est fina­le­ment au manque d’oxy­gène qu’il suc­com­ba. Exac­te­ment comme sa pauvre vic­time, qu’il avait sau­va­ge­ment étran­glée après l’a­voir vio­lée plu­sieurs fois.

***

— Ta fille est ven­gée à pré­sent, Hoseckrua.

— Oui, Tecoom­thaya. Grâce à toi, son esprit pour­ra enfin repo­ser en paix…

Durant près de trois jours, les deux indiens Yava­pais avaient sui­vi la piste de l’as­sas­sin Dun­can Scott, des rives de Fos­sil Creek, où le salaud avait aban­don­né le cadavre outra­gé de sa vic­time, jus­qu’à Flag­staff, où il avait été retrou­vé ivre mort dans le lit pouilleux d’un hôtel minable. À ce moment-là, pro­fi­tant de la nuit comme de l’hé­bé­tude de la canaille, la paire de guer­riers était inter­ve­nue. Elle avait kid­nap­pé le scé­lé­rat et l’a­vait emme­né dans le désert pour l’y aban­don­ner sans eau ni vivres ! Mais avant cela, Tecoom­thaya avait pris soin de rem­pla­cer le tabac de Scott par une herbe magique de sa connais­sance. Une herbe aux pro­prié­tés hal­lu­ci­no­gènes qui avait pro­vo­qué chez le cow­boy un tel sen­ti­ment d’an­xié­té et de remords, qu’il en était venu à s’é­tran­gler lui-même.

FIN


«Dans l’enfer du désert» a été ini­tia­le­ment publié par nos amis de Pulpe-a-go-go

Deux micro-nou­velles de Jef­fer­son Mumford

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