Jacques-André Schinken est professeur d’histoire-géographie, il vote socialiste, il a 56 ans. Nadège Pochon est psychologue, elle vote Vert Libéral, elle a 55 ans. Ils ont deux enfants, Simon-Pierre, 21 ans, étudiant en droit, et Prune, 19 ans, artiste.
J’aime beaucoup maman, mais elle a parfois de drôles d’idées. Nous étions en train de prendre le dessert, dimanche, quand elle nous a soudain demandé: «Si vous étiez Français, pour quel candidat voteriez-vous?» Papa a souri: «Chic, un débat politique! Quelle merveilleuse idée! Moi, je vote pour Benoît Hamon, bien entendu!»
«Tu ne pourrais pas de temps en temps nous surprendre?», a grommelé Prune, comme à son habitude à moitié nue, à peine sortie du lit, nous ayant rejoint au milieu du repas en protestant qu’il y avait encore de la viande alors que tout le monde sait qu’elle est vegan. «Ton merdique petit socialiste n’a de toute manière aucune chance d’être présent au second tour…»
Papa a souri – il sourit beaucoup depuis qu’il prend des anxiolytiques: «C’est bien ma fille, tu as des opinions tranchées.» Maman s’est fâchée: «Prune, on ne parle pas comme ça, même des socialistes. Et puisque tu es si maline, dis-nous quel est ton candidat préféré – et remonte la bretelle de ton top, on voit ton sein gauche!»
«Ma préférée, c’est Marine Lepen, a crié Prune – elle crie tout le temps depuis qu’elle ne prend plus d’anxiolytiques. Elle va virer toute la racaille bougnoule, cette bande d’égorgeurs de moutons. Et puis, c’est la plus bandante…» Je le savais, ça allait mal tourner. Maman a giflé Prune et lui a intimé de monter dans sa chambre sans finir son dessert. «Je m’en fout, a hurlé ma sœur. Je vais me masturber en imaginant que c’est la langue de Marine qui me titille le clito et son doigt qui me ramone l’anus…»
Maman a avalé deux anxiolytiques d’un coup, a dit qu’elle allait faire une sieste et que si personne n’y voyait d’inconvénient, elle allait rêver qu’Emmanuel Macron venait l’enlever au volant d’une Porsche 911 cabriolet décapotable. Et qu’elle nous laissait débarrasser la table.
«Benoît Hamon n’est peut-être pas très sexy, a dit papa en souriant un peu moins qu’au début du repas, mais il représente nos valeurs. C’est grâce à des gens comme lui que l’injustice sera vaincue et que les petits-bourgeois pourront consommer en paix, sans avoir à culpabiliser parce que les marchandises sont produites par des gens exploités…»
Il s’est levé de table et lui aussi est parti, me laissant seul avec la vaisselle. Quelle famille! Ma sœur est une gouine d’extrême droite, ma mère fantasme sur un gérontophile au service de la finance internationale (est-il Juif?) et mon père est idéologiquement dépressif. Heureusement que je ne lui ai pas confié les rêves qui m’habitent: je suis déguisé en pauvre, à quatre pattes, cul nu, et François Fillon, tout habillé de cuir, me fouette les fesses avant de me sodomiser brutalement, tandis que je gémis: «Oh oui, Maître Fion, enfoncez bien votre gros bulletin dans mon urne!»
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