Une nouvelle de Luc Dermau. Télécharger: PDF — epub — mobi
J’adore Céline. Célibataire endurci, la vie en couple ne m’attire plus. Lorsque je l’ai rencontrée à l’anniversaire d’un copain, elle m’avait aussitôt excité bien qu’elle ait eu peu de regards dans ma direction, accrochée à son ami, un beau mec dont je décrétais aussitôt qu’il devait être bon au lit mais totalement ennuyeux par ailleurs. Pourquoi ai-je eu l’intuition qu’elle lui dispensait ses gestes doux pour me faire envie ? Elle lui massait la nuque tout en tournant les yeux vers les hôtes installés autour d’elle. Puis elle passa, l’air de rien, sa langue sur sa bouche, distraitement. Je me disais que le truc est un peu gros. Mais cela ne me laissait pas indifférent. Quand tout le monde se dispersa, elle prit congé de moi comme elle l’aurait fait avec le plus casse-pieds de ses collègues. Et soudain, la question la plus banale : « Tu t’appelles comment ? » J’en tressaillis. Alors que nous prenions nos habits, que son pote s’attardait dans les salutations, je trouvai le courage de lui glisser ma carte de visite perso. Rien ne se passa, ni lendemain, ni le surlendemain. Mais une semaine plus tard, il m’a paru qu’un soir, mon téléphone vibrait plus fort qu’à l’habitude. Un SMS de Céline. L’histoire commençait.
A la terrasse du bistrot, à deux pas de chez moi, où nous eûmes notre premier rancard, elle annonça la couleur. Elle aimait son ami, disait-elle, mais elle avait besoin de quelques escapades sans lendemain. Ce fut tôt fait.
Les images qui me restent de ce moment torride ? Son corps, vu de dos, en forme de mandoline. Couchée sur le lit, la tête dans les bras sur le drap, les fesses dressées, les jambes écartées. Et moi debout, stupéfait de tant de beauté. Je m’étonnais de ce que si peu de peintres aient saisi leur modèle dans cette position. Les rondeurs pâles, plus haut, la taille fine, et plus haut encore, la chevelure noire répandue partout. Et puis, bien sûr, cet extraordinaire tatouage au-dessus de ses seins, deux ailes déployées vers le haut. « Tu as fait cela pourquoi ? » lui ai-je demandé plus tard. Ses mots n’ont cessé de tourner dans ma tête : « Parce que l’envol de l’érotisme conduit vers des cieux insoupçonnables ! »
Elle conduisait le jeu. Déplaçant son corps avec souplesse sans cesser de planter ses yeux dans les miens. Presque dominante par instants, puis soudain si douce, presque soumise. Chacun de ses retournements me prenaient par surprise. Et celle-ci n’en finissait pas de faire monter mon désir.
Je ne sais si son orgasme fut sincère, mais elle parut apprécier. Enfin un peu apaisés, alors que nous nous reposions dans l’attente d’une nouvelle étreinte, elle parla beaucoup. Avec ce mot que je n’avais jamais entendu : « Je veux être ta sexgirlfriend. Nous nous reverrons mais seulement pour le sexe. » Cela ne l’empêcha pas d’évoquer sa vie, son travail, son goût du théâtre, sa curiosité de la littérature érotique, son plaisir aux sorties diverses, « surtout avec mes copines », précisait-elle.
Lentement, elle recomposa en chignon sa toison dense. J’y vis le signal du départ de ma chambre. « Tu pars ? ». Sa réponse me laissa muet : « Non, c’est pour mieux te manger, mon enfant. » Elle me dévora une nouvelle fois en effet. Les couilles, ma bite tendue et aussi mes tétons qu’elle prenait entre ses dents et calmait en même temps avec sa langue, provoquant une sensation que je n’avais jamais ressentie avec cette intensité.
Nous nous revîmes plusieurs fois. Jamais pour manger au restaurant. « Ne perdons pas de temps, disait-elle, allons chez toi. » Le jour où je lui proposai d’aller voir un spectacle avec elle, je fus assez désappointé de l’entendre dire : « Non, ça, c’est une autre histoire. »
J’étais curieux de ses sorties entre filles. Allaient-elles draguer ensemble ? Simplement boire un coup et rire comme des folles ? « Tu me les présenteras un jour ? » Mystérieuse, sa réponse. « L’une d’elles au moins, ma copine Léa, elle te plaira. » Je pris un air détaché. « Elle est un peu spéciale », ajouta-t-elle. « Ah ! bon, pourquoi ? » Et Céline parla d’autres choses. Elle avait lancé l’hameçon. Je le voyais gros comme une maison mais j’y mordais néanmoins en essayant de ne pas le laisser paraître. « Vous sortez en club ? » Moue. « Tu veux parler des boîtes échangistes ? J’y suis allée quelques fois, cela ne m’a pas plu. Tous ces gros avec leurs grosses, non merci. » Elle avait dit cela comme on doit le dire, comme je l’avais dit moi-même quelques fois. Je ne l’ai crue qu’à moitié. Mais je compris que ce n’est pas cela qu’elle voulait avec moi.
Je ne me lassais pas de nos rencontres qui cependant s’espaçaient peu à peu. Ce qui se mit à me peser, c’était l’enfermement de nos ébats. Dans mon éternelle piaule. Ma proposition de chercher des lieux insolites ne la convainquit guère. « Tu n’as jamais fait çà ? » Naïf, j’étais. « Si, si, et quelques fois dans une église. C’était bien, d’autant plus que je n’aime pas la religion, j’ai été élevée chez les bonnes sœurs. On avait peur d’être surpris par le curé ou un fidèle hors des heures de messe, c’était excitant. Le mec qui m’accompagnait est plus allumé que toi. Un anarchiste de compétition.» C’était manifestement une autre histoire, pour reprendre son mot. « M’en préparait-elle une nouvelle ? Me posais-je la question par envie que ce soit le cas ? Ou interprétais-je bien sa mine parfois énigmatique et coquine ?
C’est alors que je me souvins du nom lâché de sa complice Léa. « Tu la vois encore ? Comment est-elle ? ». Cette fois, elle me répondit. « Bien sûr, on s’amuse bien ensemble. » Au lit, pensais-je ? Me montrer trop curieux aurait coupé le fil. « C’est une grande femme, plus grande que moi, elle a une belle gueule, elle sait ce qu’elle veut et l’obtient. » Elle prétendait n’avoir pas de photo. C’était faux bien sûr. « De toute façon, elle est mieux en réel qu’en image. »
Il fallut du temps pour que j’en sache plus. C’était en hiver, la ville était moche, froide et pisseuse. Nous ne nous étions pas vus pendant un mois. Quand soudain je reçois un SMS de Céline. « Je suis chez Léa, tu veux nous rejoindre ? » Je n’y croyais plus. Et pourtant.
L’immeuble était plutôt rébarbatif, la cage d’escalier, pas très propre, étroite et les quatre étages me parurent particulièrement pentus. Ils me rappelèrent mon âge car je dus reprendre mon souffle au troisième. Arrivé au but, je trouvai la porte entrouverte. Céline m’attendait. Elle avait dû se dire que j’avais un peu tardé depuis le moment où je l’avais appelée dans la rue pour m’enquérir du lieu exact. L’appartement était sombre, avec des tentures et des bougies. «Entre ! »
Léa n’apparaissait pas. « Attends un peu, elle prend sa douche. » Je retrouvai le goût des baisers de Céline. Elle me bouscula sur le grand lit comme si c’était le sien. Avec un miroir vertical au fond de la chambre. Etais-je chez une prostituée ? Ce qui renforça mon soupçon, c’est le livre laissé sur la table de chevet, de Paolo Coelho en portugais. Les putains brésiliennes lettrées en raffolent. « Non, corrigea ma sexgirlfriend, Léa n’est pas ce que tu crois. Elle vient du Brésil, c’est vrai, mais elle fait des études ici, et crois-moi, elle est brillante. »
J’entendais des bruits d’eau et m’étonnais de si longues ablutions. Puis plus rien. Mais Léa n’arrivait pas. « Laisse-lui le temps de s’habiller ! » Céline s’amusait de mon attente, tentait sans conviction de me distraire. « Elle vit seule ? » Un temps. « Oui, mais elle a un beau copain qui habite pas loin. » Je faisais un grand effort pour concentrer mon attention sur mon amie en cachant mon impatience. Elle voulut enlever ma chemise et jouer avec le haut de mon pantalon. Je refusai. « Si Léa s’habille, on ne va pas se mettre à poil ! » J’eus droit à une moue hautaine. Je me sentis dans la peau d’un petit bourgeois. Ce que j’exècre. Le suspense dura, dura.
Le jeu bien mis en scène avec ce long préalable était une manipulation voyante. Mais qui n’aime pas se laisser manipuler de la sorte ?
Quand enfin apparut la mystérieuse personne, je fus d’abord impressionné par sa haute taille, puis par son visage aux traits affirmés, par un regard à la fois sombre et joyeux. Elle portait une jupe de cuir fin, une veste noire et une blouse blanche dont le haut était ouvert sur l’amorce d’une généreuse poitrine. « Cela me fait plaisir de te connaître, Céline m’a beaucoup parlé de toi. » Elle me tendit sa main comme si j’étais invité à y poser un baiser mondain, ce que je fis en riant de cette solennité. Les doigts étaient longs. « Léa, ce n’est pas un nom très brésilien », fis-je bêtement pour dire quelque chose. « On trouve tous les noms au Brésil, m’entendis-je répondre, d’ailleurs je suis de là-bas, d’ici et d’ailleurs. Tu n’es pas un petit Français chauvin, j’espère ? » Je répondis à la provocation en souriant en direction de Céline qui me dit aussitôt : « Montre-lui que tu n’es pas coincé, reviens sur le lit, et toi aussi Léa. » Je compris qu’il ne s’agissait pas de s’attarder à disserter sur les différences entre les moeurs européennes et sud-américaines.
Nous nous retrouvâmes donc allongés sur le lit, mon amie me caressant la nuque comme elle l’avait fait avec son copain lors de notre première rencontre, la belle inconnue cherchant mon regard tout en laissant sa main se promener sur mes cuisses d’abord, sur mon sexe ensuite. J’avais déjà participé à des ébats de groupe mais où tout le monde était nu dès le début des jeux. Là, l’approche était plus progressive. Céline se débarrassait de ses vêtements légers. Elle ouvrit ma chemise et titilla mes tétons du bout de ses ongles. Léa ouvrit aussi son corsage d’où jaillirent des seins imposants et fiers, manifestement dus au talent d’un chirurgien, néanmoins fort appétissants. Mon amie posa aussi une main sur eux, tout en gardant l’autre sur ma poitrine. L’étonnement s’évanouit. Je trouvai soudain cette promiscuité toute naturelle et fort plaisante.
« Attendez, je vais chercher à boire. » La belle et haute femme se leva, disparut, se fit attendre encore et revint enfin avec trois verres à champagne qui sortaient du frigo. « C’est du prosecco italien, mais vous verrez, c’est presque aussi bon que du brut français. » Céline prit le sien et au lieu de le mettre à bouche, y mit deux doigts qu’elle posa sur le bout de mes seins. « C’est pour les faire se dresser ! » expliqua-t-elle d’un air sérieux. Léa, elle, riait. Et but goulûment. En tenant d’une main le verre, de l’autre la bouteille dont elle porta le goulot à ses lèvres dans un geste évocateur. La grossièreté du geste ne m’effaroucha guère. Puis, comme c’était attendu, elle abandonna le flacon et se pencha sur mon pantalon qu’elle ouvrit avec dextérité, empoigna mon sexe et l’engloutit tout en gardant sa boisson dans la bouche. Elle inonda ainsi mon membre d’une fraicheur bienvenue. « Tu en veux aussi, Céline ? » La coquine remplit son verre, le but quasiment d’un trait et colla à sa complice un baiser ainsi très mouillé.
Nous nous touchions de toutes parts. Mais Léa gardait sa jupe. Quand je voulus la soulever, elle écarta ma main. « Ne t’occupe pas de cela tout de suite ! », ordonna-t-elle. « Oh ! pourquoi? », s’écria Céline. « Tu veux garder ton secret ? »
Je compris enfin qu’il y avait un secret.
Lorsqu’il me fut enfin permit de l’approcher, il me surprit par sa taille et sa dureté sous le slip. « Enlève-le avec les dents ! » suggéra ma compagne dégourdie. J’optempérai du mieux que je pus. La bite de Léa avait fière allure et je n’eus de choix, la tête fermement empoignée et conduite vers la chose, que de la mettre dans ma bouche. Exercice que j’avais expérimenté mais très peu pratiqué et dont je n’avais tiré aucun plaisir. Jusque là. Parce qu’encouragé par Céline, je m’appliquais à ne pas la décevoir, elle, si experte dans cet art. Je fis mon possible pour traiter cet attribut comme j’aime qu’on le fasse avec le mien. Le serrant d’une poigne décidée à sa base, promenant ma langue tout autour, le prenant ensuite tout entier et le suçant avec application. La dague avait durci. Elle s’enfonçait, se retirait un peu et revenait au fond. J’eus quelque spasme de rejet, dois-je dire. Mais je me remettais à l’ouvrage comme avec un zèle d’écolier. Céline s’occupa alors de ma partie. Avec l’efficacité que je connaissais. Je tentais de lui faire un peu plaisir à elle aussi et tendit deux doigts vers le clitoris qui m’était familier mais je fus ramené à l’ordre. « Concentre-toi ! »
Après cette longue séquence buccale, je le pressentais, je le désirais et le craignais à la fois, Léa commença de m’écarter les jambes avec l’aide de sa compagne de jeux. Je versai la tête en arrière, soulevait mon cul et l’offrit à la diligente personne. Ce fut un peu douloureux, je le laissai paraître et m’attirait ainsi une remarque de ma préférée : « Ne fais pas le douillet, laisse-toi faire, détends-toi, tu vas aimer… »
Toute ma féminité remontait d’un coup. Des profondeurs inavouées. Le plaisir montait d’une source enfouie et inconnue. Cela paraissait combler la vraie femme du trio qui rapprochait son visage du mien avec un sourire doux. Je ressentis avec elle une proximité inédite et délicieuse. « Et toi ? » murmurai-je, « je veux que tu aies aussi du plaisir ! ». Je fus aussitôt réduit au silence. « Pas aujourd’hui. Là, c’est ton heure ! » me glissa-t-elle à l’oreille.
Léa soudain se retira, empoigna son sexe au point de déborder. Son lait, comme on dit en Amérique du sud, jaillit sur mon corps. Céline eut alors un geste qui me surprit. Elle prit du sperme au bout du doigt qu’elle me mit d’autorité dans la bouche. « Goûte ! » C’était une première. Je n’y trouvai ni plaisir ni excitation.
Fermement branlé par l’une des deux furies, les testicules léchés par l’autre, j’étais au bord de l’explosion. Celle-ci eut lieu entre les lèvres de la femme. Elle parut se régaler de ma sève. Je cherchais à rester dans cet antre si chaud. A puiser plus profond en moi pour donner davantage.
Il s’ensuivit de ce méli-mélo une douceur extrême. Hors sol, hors temps, hors genres. Nos nous caressions délicatement sans chercher à relancer la course. Puis Léa alla remplir les verres et chercher des glaçons pour rafraichir le prosecco. Elle en prit un qu’elle posa délicatement sur mes seins et mon sexe. Pour les calmer, disait-elle. Le contraire se produisit. Et nous fûmes près de recommencer. Mais Céline annonça qu’elle devait partir. Elle eut juste ce mot tandis que je ramassais lentement mes habits : « Tu commençais de t’ennuyer avec moi, n’est-ce pas ? Es-tu prêt pour d’autrea surprises ? » Je lui répondis en l’embrassant sur la bouche. Léa quant à elle me donna son numéro de portable. Je n’étais pas sûr d’en faire usage.
Redescendant l’escalier à pas prudents, je crus sentir le parfum de Céline, partie en courant. J’avais hâte de la retrouver bientôt chez moi. Comme d’habitude. Non, ce n’était pas une habitude. Ses visites étaient toujours un cadeau. Avec ou sans surprises.
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