Pour celles et ceux qui ne trouvent pas la pandémie actuelle de COVID-19 suffisamment anxiogène, les Editions Lubric-à-Brac Productions proposent une série de textes glaçants. Le premier est un roman écrit par Pierre Ronpipal. Il s’agit bien sûr d’un pseudonyme, nous n’acceptons pas de textes signés du vrai nom des auteurs, ceci afin de leur éviter toute tentation narcissique. Tout ce que l’on peut dire de celui-ci, c’est qu’il s’agit d’un écrivain francophone s’aventurant pour la première fois du côté du pulp. Un coup d’essai diablement réussi, avec ce récit noir et désespérant.
A moi de choisir ceux qui doivent mourir
Ce n’est pas le doute qui rend fou, c’est la certitude.
Friedrich Nietzsche
Le roman de Pierre Ronpipal est publié ici en chapitres.
Chapitres
- A moi de choisir ceux qui doivent mourir | 1
Je n’ai pas pris ça au sérieux, au début. Encore un truc de ces crétins de Chinois, de ces bouffeurs de chauve-souris, de pangolins, de pines de chiens, j’ai pensé. Dans le café où je prends l’apéro tous les soirs avec les copains, on rigolait, on trinquait : « A la santé du coronavirus ! ». Un virus avec un nom de bière, ça ne fait pas trop sérieux.
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Au bureau, on avait une stagiaire, Andrea. Ma femme me demandait régulièrement si je la trouvais jolie, avec une légère pointe de jalousie. Je répondais systématiquement « non ». Depuis l’épidémie, on travaillait essentiellement sur de la communication de crise.
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L’ambiance au super marché était incroyable. Des rayons vides : plus de produits congelés, plus de pâtes, plus de boîtes de raviolis, plus de PQ non plus. J’ai pris ce que j’ai pu. Sans oublier les boîtes pour les chats. Catherine et moi vivions au cœur d’une zone résidentielle, dans une de ces petites villes qui à l’origine étaient des bourgs de campagne et qui sont devenues des cités dortoirs pour les classes moyennes.
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Le chat de la voisine n’arrêtait de venir emmerder les nôtres, passant sous la haie de thuyas qui sépare nos deux maisons. C’était une chatte. Les nôtres, des matous castrés. Dès qu’on entendait des miaulements agressifs dans le jardin, on savait que la chatte foutait le bordel. Elle se mettait devant la chatière pour empêcher les autres de sortir, les soufflait dès qu’elle les croisait. Une chieuse.
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J’ai chargé la voisine sur mon épaule – elle n’était pas très lourde, avait la maigreur sèche des gens méchants. Elle gémissait toujours mais n’était pas consciente. Sur son front, un gros hématome se développait. Arrivé près de la rangée de fleurs et de son muret, j’ai délicatement fait glisser madame Delombre à terre, puis, saisissant sa tête, je l’ai laissée retomber avec force sur le muret.
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J’ai eu le droit de venir à la morgue de l’hôpital, pour voir Catherine dans son cercueil, derrière une vitre. Ils m’ont fait mettre des habits de protection, un masque, des lunettes. Ils m’ont emmené par des couloirs, des escaliers, pour que j’évite d’être en contact avec la maladie. Mais entre deux portes, j’ai vu. Des lits dans les couloirs, des matelas au sol, les malades entassés.
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Après avoir mis le feu à la voiture du docteur, afin de détruire d’éventuelles traces, je suis rentré chez moi. Passer les contrôles policiers n’a pas été un problème. Il fallait simplement avoir avec soi une déclaration, qu’il suffisait d’imprimer et de remplir, précisant le motif du déplacement. J’y avais indiqué que j’allais chercher les effets personnels de Catherine à l’hôpital.
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Philippe insistait, dans ses mails et ses SMS, pour qu’on se réunisse. En mémoire d’Alain. Ce d’autant que Jean-Claude venait à son tour d’être hospitalisé. Les choses tournaient vraiment mal. Pas uniquement pour notre groupe d’amis, pour le monde entier. Il y avait officiellement un million cinq cent mille personnes contaminées et cent mille morts.
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Cela faisait plus de vingt-cinq ans qu’on se fréquentait. Est-ce que je les connaissais vraiment ? J’avais le sentiment que pas une seule fois nous n’avions été sincères les uns envers les autres. Nous avions toujours refusé de nous montrer nos confusions respectives. Même ivres, nous avions toujours affirmé des choses, jamais douté ensemble, donc jamais pensé ensemble.
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Ce soir-là, j’ai pensé au suicide, je l’avoue. Plus personne n’attendait quoi que ce soit de moi, je me sentais libre, y compris de mourir. Mais j’ai trouvé ça saugrenu. Sans doute n’en avais-je pas fini avec le monde et mes semblables. Mon sentiment de liberté était exagéré, comme une ivresse soudaine et passagère.
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Mon intuition avait été la bonne. Au volant de l’ambulance, sirène en action, je passai les barrages sans avoir à m’arrêter. Au bout de dix minutes, je croisai plusieurs camions de pompier. J’avais visiblement déclenché un gros incendie. Tout le quartier résidentiel devait être en feu. Je déposai les deux ambulanciers dans une cabane de chantier. Ils dormaient toujours comme des bienheureux
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Les semaines qui suivirent furent tout à la fois étranges et passionnantes. Je mangeais peu, Alain pas du tout. Je ne savais jamais quand il allait apparaître. Au début, ça m’a un peu effrayé, mais je me suis vite aperçu que sa présence m’était agréable et qu’il était tout à fait bienveillant avec moi. Il avait bien sûr fallu que je réponde à sa question.
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La télévision avait dit vrai : le confinement était terminé, les gens reprenaient leurs vieilles habitudes, ceux qui en avaient retrouvaient le chemin de leurs résidences secondaires. C’était catastrophique. Je battis en retraite, un peu paniqué. Et toujours aucune apparition d’Alain, je me demandai ce qui lui était arrivé.
Lire le chapitre - A moi de choisir ceux qui doivent mourir | Épilogue
Ça fait deux mois que je suis là, je crois. Peut-être plus. La cellule est blanche, les vitres de la fenêtre sont incassables, les gros barreaux espacés de 10 centimètres. Un bloc de béton et un matelas mousse comme lit, un WC et un lavabo en inox, une table fixée au mur et au sol. Ils m’ont retiré la chaise après que je l’ai jetée contre la porte pour protester. Selon eux, je présente un trouble de la personnalité.
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A suivre
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